Vous êtes artisan, intervenant dans la rénovation électrique d’une résidence de particulier, ou bien un architecte recruté pour dessiner une maison neuve. Vous êtes peut-être à la tête du bureau d’études associé à un nouveau projet de promotion immobilière. Au même titre que d’autres corps de métier de la construction, vous êtes soumis à l’obligation d’assurance décennale. Zoom sur les principales caractéristiques de cette assurance pro singulière.
Un contexte légal et un champ d’application précis
La décennale est une assurance professionnelle qui intervient dans un cadre légal très précis, défini dans le Code des assurances en son article L243-1-1, lui-même découlant de la loi Spineta de 1978. La présomption de responsabilité se trouve au cœur de ce contexte légal, rendant l’assurance décennale obligatoire pour les professionnels impliqués dans tout acte de construire. Destinée à réparer les défaillances constatées dans les 10 années suivant la livraison d’une construction à un maître d’ouvrage, la décennale couvre 2 catégories précises de travaux de bâtiments. Il s’agit, d’une part, de la construction neuve de bâtiments à usage industriel ou d’habitation, de maison individuelle, etc. D’un autre côté et dans la mesure où elles peuvent interférer dans le comportement général du bâtiment, les manœuvres intervenant sur l’existant au titre de réhabilitation sont également concernées par les garanties rattachées à cette assurance. Les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 de la même loi définissent les situations et les natures des dommages pour lesquelles un maître d’ouvrage lésé peut en appeler à l’assurance décennale.
Un dommage peut, d’abord, être considéré de nature décennale s’il empêche de jouir du bâtiment dans son usage prévu, par atteinte de l’un de ses éléments constitutifs, ou s’il met en péril la solidité de la construction. Les dommages découlant des vices du sol sont également concernés dans ce dernier aspect. Une deuxième catégorie de dommages de type décennal rassemble ceux qui affectent les éléments d’équipement de la construction livrée. Pour bénéficier de la couverture décennale, lesdits équipements doivent toutefois faire corps avec les ouvrages de clos ou de couvert, d’ossature, de fondation ou de viabilité, au point qu’un remplacement ou une dépose ne peut s’effectuer sans la détérioration desdits ouvrages. Lorsque cette indissociabilité n’est pas établie, les éléments d’équipement ne sont plus du ressort de la décennale, mais d’autres garanties de bon fonctionnement de durée inférieure.
Les professionnels soumis à l’obligation de souscription
L’identité des professionnels contraints de la souscrire constitue une deuxième caractéristique de l’assurance décennale. Il s’agit des constructeurs dont le statut est, une fois de plus, clairement établi dans le texte de loi définissant l’application de cette assurance. L’on recense, d’abord, les professionnels du bâtiment – technicien, entrepreneur, architecte et autres artisans – qui établissent un contrat de louage d’ouvrage avec le propriétaire de celui-ci. Les personnes faisant construire, ou construisant elles-mêmes, un ouvrage qu’elles destinent à la vente après achèvement sont également tenues de souscrire une décennale. Notons, par ailleurs, qu’une assurance décennale Fabricant Négociant existe et s’impose aux concepteurs des éléments d’équipements impliqués dans la construction de l’ouvrage, ainsi qu’aux professionnels qui les ont importés depuis un marché étranger. L’on fait référence à ces équipements en tant qu’EPERS car le fabricant négociant est imputable d’une responsabilité solidaire avec les professionnels ayant fait usage de ses produits dans la réalisation de leur part de louage d’ouvrage. Enfin, l’attestation d’assurance décennale doit être dûment présentée au maître d’ouvrage avant d’ouvrir un chantier. N’oubliez pas que le document a une durée de validité de 1 an. L’assureur le renouvelle à cette fréquence avec la tacite reconduction de votre contrat en mentionnant, le cas échéant, toute évolution de votre entreprise, métier ou situation.
Les garanties rattachées à une assurance décennale
Dans son essence, l’assurance décennale a été mise en place par le législateur dans un double objectif. Il s’agit de protéger le maître d’ouvrage, en mettant à sa disposition un recours permettant d’être rapidement indemnisé pour les dommages subis. L’assurance décennale est ensuite imposée aux professionnels afin de protéger leur activité. Tout en les obligeant à endosser leur responsabilité, le dispositif leur permet de supporter plus aisément les coûts occasionnés par l’indemnisation d’un client, en cas de sinistre. La garantie de base de ladite assurance – la police de RC décennale – consiste justement au remboursement intégral des frais de réparation du dommage dans lequel cette responsabilité est engagée, sur un signalement par le maître d’ouvrage. Ce dernier saisit directement l’assureur de son maître d’œuvre, à moins que ce dernier décide de prendre en charge lui-même les réparations adéquates sans déclarer le sinistre. Les prestataires d’assurance spécialisés dans la décennale proposent, en parallèle, des garanties optionnelles auxquelles les cibles concernées décident librement de souscrire ou non. Parmi celles-ci, l’on peut citer la garantie des dommages corporels, la garantie des dommages immatériels, ou encore la garantie de protection juridique.
La modalité de mise en œuvre
La réalisation pratique de l’indemnisation d’un maître d’ouvrage lésé participe également de la particularité de l’assurance décennale. En tant que professionnel, il peut arriver que votre client vous rappelle pour engager votre responsabilité décennale dans un vice qu’il a constaté sur son ouvrage. Selon la nature du dommage signalé, vous pouvez estimer que la réparation directe de celui-ci reste dans vos cordes et vous la prenez immédiatement en charge. Aucun sinistre n’étant déclaré auprès de votre assureur, celui-ci ne dispensera aucune indemnisation à l’endroit de votre client. Dans le cas contraire – impossibilité d’endosser la réparation ou absence de réaction de votre part – il est en droit de relayer directement le cas auprès de votre assureur. Après une expertise de l’étendue des dégâts, de leur nature décennale et des devis estimatifs des réparations qui s’imposent, celui-ci propose une indemnisation au propriétaire du bien. Vous en serez tout naturellement informé, puisqu’une partie des réparations reste à votre charge, par la franchise consentie à la signature du contrat. Notez que tout sinistre déclaré et faisant l’objet d’une indemnisation impacte sur vos futurs démarchages d’assurance décennale. Le devis qui vous sera proposé fera alors très probablement l’objet d’une majoration.
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